Nullité du contrat d’assurance pour réticence intentionnelle : précisions jurisprudentielles
Publié le :
03/08/2022
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Dans le parc immobilier privé, les propriétaires mettent en location leurs biens dans le but d’exploiter la rentabilité du bail d’habitation.
Le réflexe le plus commun des propriétaires est de sélectionner des locataires avec les attributs d’une situation financière stable, justifiant notamment d’un contrat de travail à durée indéterminée, et des revenus laissant raisonnablement penser qu’ils sont en mesure d’assumer le loyer.
Pour d’autres propriétaires, il s’agit de renforcer le contrat de bail, au moyen d’une police d’assurance pour pallier les risques de l’investissement locatif, comme la dégradation immobilière, les frais de procédure d’expulsion ou de recouvrement, les loyers et charges impayés, etc.
Dans un arrêt récent du 16 juin 2022, la Cour de cassation revient sur la notion de réticence intentionnelle qui consiste pour un assuré à délibérément retenir des informations, ou ne pas décrire l’exacte réalité d’une situation concernant le risque à assurer.
Dans cette affaire, une société civile immobilière (SCI) attribue la location d’un pavillon à des locataires et procède à la souscription d’un contrat d’assurance contre les risques locatifs, 15 jours après la signature du bail d’habitation.
En l’espèce, la garantie en jeu permettait au bailleur de bénéficier d’une indemnité en cas de loyers impayés par les locataires.
Une année passe, et les locataires tombent en défaut de paiement du loyer. La SCI décide de mettre en œuvre la garantie précitée pour recouvrir le montant des loyers. A cet effet, l’assureur verse à la SCI une indemnité correspondant à la somme due.
Cependant, le litige entre les locataires défaillants et le propriétaire donne l’occasion à l’assureur de découvrir l’existence d’un second contrat de location, conclu à titre personnel entre le gérant de la SCI et l’un des locataires visés par le premier bail. L’assureur assigne alors la SCI et son représentant, afin de demander l’annulation du contrat d’assurance et la restitution de l’indemnité d’assurance versée, du fait de la substitution de locataires.
La Cour d’appel prononce la nullité du contrat d’assurance souscrit entre les parties et décide de condamner in solidum la SCI et le dirigeant au remboursement de l’indemnité ainsi que des frais engendrés par la procédure menée contre les premiers locataires. En effet, la Cour d’appel considère que laisser volontairement l’assureur dans l’ignorance à propos du changement de locataire, même sans intention de nuire, exerce une influence sur le risque à garantir par l’assureur.
Devant la Cour de cassation, la SCI et son gérant contestent la décision de la Cour d’appel, au motif que la conclusion du bail au profit d’autres locataires se justifie par la volonté du dirigeant de rendre service à ces derniers, et cela ne s’apparente pas à de la mauvaise foi. De plus, le dirigeant rappelle ne pas être cocontractant au contrat d’assurance et qu’en conséquence, il n’est pas tenu de restituer les sommes litigieuses.
La Cour de cassation a alors précisé les conditions de la nullité d’un contrat d’assurance.
L’assureur peut exercer son droit d’annulation du contrat, dès lors que l’assuré change l’objet du risque à garantir. C’est notamment le cas lorsqu’il ne transmet pas une information, ou établit volontairement une situation qu’il sait fausse. Juridiquement, cela constitue une réticence intentionnelle, en conséquence de laquelle l’indemnité versée par l’assureur doit lui être restituée en vertu des articles L113-8 du Code des assurances et 1165 du Code civil.
Cependant, la Cour de cassation, en rappelant qu’« Il résulte du premier de ces textes que seul l’assuré auquel ont été versées les indemnités est tenu de les restituer », annule la solution d’appel, au motif que le dirigeant de la SCI est un tiers au contrat entre la société assurée et la compagnie d’assurance. Il n’est donc pas tenu de restituer l’indemnité et de régler les frais de la procédure initiée pour le premier bail.
Référence arrêt : Cass. civ. 2ème, 16 juin 2022, n° 20-20.745
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